Conférence : Les différentes aides mises en place en Europe pour soutenir la chaîne du livre

Lors de cette table ronde, organisée lors des Assises européennes et animée par Anne Bergman-Tahon, directrice de la Fédération des éditeurs européens qui représente les éditeurs au niveau européen, nous avons pu nous rendre compte des différents dispositifs d’aide à la chaîne du livre mis en place en Belgique francophone, en Suisse et au niveau de l’Union européenne. Trois conférenciers ont exposé un rapide panorama de ces aides primordiales en ce temps de crise. Il y a, en effet, une nécessité absolue pour la chaîne du livre, rebaptisée « chain of love », d’être soutenue par les pouvoirs publics. 

Nadine Vanwelkenhuyzen, directrice du Service général des lettres et du livre à la Fédération Wallonie Bruxelles, est la première intervenante à avoir pris la parole. Elle nous a partagé les différentes aides octroyées aux acteurs du secteur du livre par la fédération Wallonie Bruxelles. Elle a tout d’abord parlé des soutiens développés sur le territoire francophone de Belgique pour ensuite parler des aides à l’international et celles mises en place en réponse à la crise que nous vivons actuellement. Ces dernières sont listées ci-dessous.

Il faut aussi savoir que ces soutiens reposent sur deux principes fondamentaux : 

  • Une solidarité entre les différents maillons de la chaîne du livre.
  • Un respect de la charte de l’édition professionnelle (texte élaboré en collaboration avec les fédérations professionnelles d’éditeurs et qui rappelle les grands principes d’édition).

Les soutiens octroyés par la Fédération pour les activités développées sur le territoire Wallonie/Bruxelles aux différents maillons de la chaîne :

Premier maillon – Les auteurs/créateurs/illustrateurs/…

  • Ceux-ci ont la possibilité de recevoir des bourses pour l’écriture et pour des résidences dans le cadre d’échanges à l’étranger.
  • Un prix littéraire pour auteurs débutants ou auteurs confirmés qui soutient tous les genres a été instauré.
  • Les éditeurs étrangers peuvent recevoir un budget pour la traduction de livres d’auteurs belges francophones.

Deuxième maillon – Les éditeurs peuvent recevoir :

  • Une simple reconnaissance : ils figureront sur différents supports professionnels comme par exemple « Objectif plume » (portail de littérature belge francophone) afin d’être valorisés. 
  • Une subvention ponctuelle : une aide financière peut leur être dédiée avec un plafond de 20 000 euros. Cela concerne les maisons d’édition qui ont un programme éditorial de 3 à 5 ouvrages.
  • Une convention pluriannuelle : ici, un contrat entre la maison d’édition et la fédération Wallonie Bruxelles peut être signé. La maison d’édition sera par la suite soutenue pour une durée de 3 à 5 ans avec un montant plafonné à 50 000 euros pour un programme éditorial annuel de 5 à 10 ouvrages.

Troisième maillon – Les libraires

  • La fédération Wallonie Bruxelles a instauré un label de qualité « Le Libraire » qui ouvre l’accès à des prêts sans intérêt pour des frais d’aménagements, des achats d’équipements ou des besoins de trésorerie aux libraires. Pour avoir ce label, il faut répondre à 11 critères (avoir un assortiment multi-éditorial, avoir un personnel formé, répondre à des commandes à l’unité…).
  • Soutiens financiers ponctuels pour organiser des évènements littéraires dans leurs librairies, pour organiser et faire le suivi de formations…

Quatrième maillon – Les opérateurs de diffusion et les associations professionnelles

  • La Fédération offre des subventions pour organiser des manifestations littéraires comme les foires et les salons et pour les activités et frais de fonctionnement des associations littéraires et (inter)professionnelles.

Les soutiens octroyés par la Fédération pour les activités développées à l’international

Ces soutiens sont répartis en 5 catégories :

  • Dans le cadre des cessions des droits, une aide financière est offerte aux éditeurs francophones cédant leurs droits sur l’avance due par l’éditeur étranger acquéreur afin de soutenir la vente de droits des maisons d’édition belges ;
  • Un soutien financier peut être proposé pour organiser des évènements internationaux et/ou accueillir des professionnels en Wallonie ou à Bruxelles ;
  • Un budget est offert à ceux qui souhaitent suivre des foires, des salons, des formations, ou encore résider à l’étranger ;
  • La Fédération aide aussi à la prospection à l’étranger afin que les éditeurs et libraires professionnels puissent réseauter à un niveau international ;
  • Un soutien peut être offert pour aider ceux qui le souhaitent à améliorer leur image internationale via l’offre d’un coach professionnel.

Les aides spéciales covid octroyées par la Fédération

Cette année, la Fédération a débloqué d’autres fonds afin de proposer un soutien complémentaire en réponse à la crise sanitaire. La Fédération a donc mis en place :

  • Des prêts en trésorerie aux éditeurs et aux libraires et un assouplissement des modalités de remboursement ;
  • Une subvention compensatoire aux opérateurs de diffusions qui ont dû suspendre leurs activités, reprogrammer leurs festivals, etc. ;
  • Le développement de la plateforme pour libraires indépendants « Librel ». Elle se limitait à la vente en ligne des formats numériques et propose à présent des ouvrages papier ;
  • Une bourse de redéploiement de projets qui ont été fortement impactés par la crise sanitaire et n’ont pas pu voir le jour ;
  • Une campagne « Lisez-vous le Belge » pour promouvoir les livres d’auteurs et/ou d’éditeurs belges ;
  • Un achat massif de livres belges francophones ayant pour destinations les bibliothèques publiques et le CPAS.

Si vous souhaitez en savoir plus, n’hésitez pas à vous rendre sur le site de la fédération Wallonie Bruxelles.

Les aides mises en place en Suisse :

Aurélia Maillard-Despont, de la fondation suisse pour la culture Pro Helvetia, nous a parlé de ce qui avait été développé chez nos voisins suisses. La Suisse avec son fédéralisme donne lieu à une grande diversité des pratiques et moyens mis en place pour soutenir le livre. En effet, celles-ci diffèrent fortement d’une région à l’autre et ce sont les instances régionales, villes, communes et cantons qui les attribuent. Il est donc difficile d’exposer un panorama complet des soutiens suisses.

Cependant, il existe deux acteurs publics qui œuvrent à l’échelle nationale dans l’optique de promouvoir la diversité linguistique et culturelle du pays afin qu’il y ait une cohésion nationale. La première est l’office fédéral de la culture à Berne et la seconde la Fondation pour Helvetia à Zurich. 

La Fondation pour Helvetia est chargée de promouvoir la culture, pas seulement la littérature, en Suisse et dans le monde. Il y a différentes sortes d‘aides proposées afin de rendre cela possible.

  • La Fondation offre une aide à la création par le biais de bourses annuelles d’écriture et d’étude qui sont allouées aux écrivains, illustrateurs, dessinateurs et autres métiers littéraires sur décision d’un jury. Pour Pro Helvetia, la relève littéraire est primordiale.
  • La Fondation propose aussi aux auteurs et aux traducteurs suisses de bénéficier de résidences dans les différents points d’attaches qu’ils ont dans le monde afin de s’inspirer, de faire leurs recherches…
  • La Fondation s’engage à la juste rémunération des auteurs. C’est pour cela qu’elle n’offre son aide qu’aux partenaires littéraires qui s’engagent à payer les auteurs décemment.
  • Elle aide aussi les organisateurs d’évènements dans leurs frais de déplacements et honoraires. Mais cela seulement si la manifestation joue la carte de l’échange régional et invite des auteurs qui viennent d’autres régions linguistiques du pays.
  • Elle offre aussi une aide aux éditeurs suisses et internationaux pour la traduction de leurs ouvrages. Il est essentiel qu’un livre soit lu partout en Suisse et que les catalogues soient diversifiés et donc qu’ils proposent des auteurs nationaux et internationaux.

De plus, la Confédération suisse avait mis en place des aides afin d’atténuer l’impact de la crise pour l’ensemble des acteurs économiques du monde culturel. Dans un premier temps, les libraires et les éditeurs avaient été exclus de ces mesures. Ce n’est que plus tard qu’ils ont été réintégrés dans les mesures d’urgence du secteur culturel. Il y a, à présent, une aide à la perte de gain financier. La Fédération, en parallèle avec les cantons, couvre jusqu’à 80% des pertes encourues par les entreprises culturelles. Elle s’engage aussi au financement de projets de transformation et d’innovation qui sont là pour faire face à la crise.

Les aides à la culture implémentées par la Commission européenne :

Arnaud Pasquali, représentant de la Commission européenne et membre de l’unité́en charge de Creative Europe, a donc parlé des aides à la culture que la Commission essaye d’implémenter en Europe en complément des aides nationales.

En décembre dernier, un accord historique sur un plan de relance européen a été conclu. Cette réponse à la crise sanitaire se fera en fonction des besoins de chaque état membre afin de les aider à mettre eux-mêmes en place leurs propres plans de relances nationaux. Par exemple, la Belgique recevra 6 milliards d’euros de la part de l’Union européenne sous forme de subventions ou de prêts. Bien entendu ces 6 milliards d’euros n’iront pas tous à la culture. Les représentants du secteur culturel devront négocier eux-mêmes le budget dont ils pourront bénéficier. 

En parallèle de ce plan de relance, l’UE dispose d’autres ressources afin d’aider les secteurs plus « créatifs » comme celui de l’édition. Par exemple, le programme Erasmus a vu son budget presque doubler. 70% du budget est consacré aux opportunités de mobilité pour tous. Ce budget sera aussi consacré à des aides aux étudiants pour leur permettre de rentrer en relation avec le milieu professionnel. En effet, les 30% restants du budget Erasmus seront investis dans des projets de coopération et à l’élaboration d’activités qui permettront aux organisations d’acquérir de l’expérience en matière de coopération internationale, d’échanger des bonnes pratiques… Cela soutiendra la reprise et l’innovation dans les domaines de l’éducation, de la formation et de la jeunesse. Le secteur de l’édition pourra donc se rapprocher du secteur universitaire européen afin de développer sa diversité.

Il y a aussi le programme Horizon qui se développe. La relance va demander beaucoup de recherches, de créativités et d’innovations. Le secteur de l’édition pourra y bénéficier afin de répondre aux nouveaux enjeux actuels comme la numérisation et l’accessibilité des informations.

Pour finir, il y a le programme de l’Europe Créative. Ce dernier s’adresse tout particulièrement au monde créatif et comprend un budget de 2,44 milliards d’euros sur 2 ans. L’objectif de ce programme est de renforcer la diversité et la compétitivité culturelles en Europe. Il contribuera renforcement des efforts que le secteur littéraire déploie afin de devenir plus digital, plus vert, plus résiliant et plus inclusif.

L’Union européenne souhaite donner aux auteurs et artistes la possibilité de décider eux-mêmes de leurs mobilités afin qu’ils soient acteurs de leurs parcours. Elle aimerait aussi soutenir la traduction littéraire et aider les éditeurs, libraires et bibliothèques à se rencontrer afin d’échanger leurs solutions face aux défis qui leur sont imposés. Cet échange de bonnes pratiques se fera entre acteurs d’un même pays, mais aussi à travers leurs frontières. 

En plus de ce programme, l’Europe créative continuera à soutenir le prix de littérature de l’Union européenne décerné aux nouveaux écrivains européens.

Pour conclure, l’objectif de l’Europe pour le développement de la chaîne du livre reste toujours le même d’un pays à l’autre : apporter plus de diversité aux lecteurs et trouver des réponses aux défis que la crise lui a imposés. Il faudra être créatif et solidaire afin de répondre aux problèmes d’aujourd’hui et de demain.

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— Clémence Claes

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